FÉLIX DE VAUDREUIL
Le film de Claude Jutra que je vous ai présenté plus haut fut tourné à Vaudreuil, et Félix y vécu dans les années 50/60 . Cela m'a paru intéressant de vous faire découvrir cette fermette, très simple en fait (ce qui n'apparait pas dans le film). A ce propos j'ai trouvé un article que je trouve très intéressant et vis à vis duquel je me suis permis de reproduire quelques extraits. Bon, avec un peu de biographie...
- par Pierre LUC
À travers le Québec, on commémore le vingtième anniversaire du décès de Félix Leclerc, décédé le 8 août 1988 : à l’Île d’Orléans tout particulièrement, où le poète et troubadour a vécu pendant une vingtaine d’années, mais aussi dans l’Anse de Vaudreuil, endroit d’une période très créative de sa carrière.
INTRODUCTION
À la radio
Une enfance à La Tuque, des études classiques à l`Université d`Ottawa, interrompues à cause de la Grande Dépression, précèdent divers emplois de manœuvre en Mauricie.Entre 1934 et 1950, Félix s’éparpille dans différents domaines de création culturelle.
Il est tout d’abord annonceur radiophonique à CHRC (Québec). Initié à la guitare par Victor Angelillo, il compose en 32/34 sa première chanson : « Notre sentier
En `37, le voilà à CHLN de Trois-Rivières, où il écrit ses premiers textes radiophoniques. Avec l’écrivain Yves Thériault, il y chante sous le pseudonyme d’Illya dans l’émission « Illya et Gomez ».Deux ans plus tard, Félix entre au service de Radio-Canada à Montréal et se lie d’amitié avec le jeune réalisateur Guy Maufette. Celui-ci lui fait interpréter « Notre sentier » dans le radioroman « Le restaurant d’en face ».
Au cours des années qui viennent, Félix participe également aux feuilletons radiophonique « Un homme et son péché » de Claude-Henri Grignon et « Vie de famille » de Henri Deyglun.
(Puis il commence à lire en ondes de ses contes de la nature, « Adagio » (1943), « Allegro et Andante » (1944).À l’écriture
Durant cette période, Félix Leclerc complète le roman « Le fou de l’île » (écrit en large partie dans l’Île d’Orléans), texte qui ne sera publié qu’en 1958, en France.Alors que toujours à la radio de la SRC, animant « L’encan des rêves », « Théâtre dans ma guitare » et « La ruelle des songes », Félix Leclerc voit son récit autobiographique « Pieds nus dans l’aube » publié.
Nous sommes en 1946, année de l’arrivée de Félix Leclerc à Vaudreuil.
Après les études, les passages à la radio, les premières poésies et récits,
les premières chansons, nous voici en ce lieu où Félix Leclerc a vécu plus de vingt ans, là aussi, soit à Vaudreuil.À ce moment-là, il se produit avec les Compagnons de Saint-Laurent, par intermittence, depuis 1942 déjà. À Boston, il a joué dans deux pièces de Molière.
En 1946, Félix et son épouse Dedouche et son fils Martin, arrivent à Vaudreuil. Face au lac des Deux-Montagnes, il trouve une maison à louer. Toutefois, ce n’est que dix ans plus tard qu’il achètera la fermette située au 186, chemin de l’Anse.
La création
Dans ces lieux, pour le poète, troubadour et écrivain s’élabore une période très créative.
Il écrit des sketches et des séries radiophoniques, des pièces de théâtre : « Maluron » créée au théâtre du Gesù (1947), « Le petit bonheur » présentée par la troupe VLM –pour Yves Viens, Félix Leclerc, Guy Maufette- (1948) le 23 octobre (1948) L’année suivante, il publie « Dialogues d’hommes et de bêtes »Cependant, pouvant difficilement vivre de la radio et de son écriture, Félix se produit également comme troubadour (on dira plus tard, et peut-être pas avec exactitude « chansonnier »). Il se crée un jeune public.
Carrière internationale
En juin 1950, Jacques Normand fait entendre à l’impresario français Jacques Canetti, un enregistrement « maison » de « Le train du nord » du jeune auteur québécois.
Dans le temps de le dire, Canetti lui fait enregistrer une douzaine de chansons dans les studios de CKVL, tout en lui offrant un contrat de cinq ans avec la maison Polydor.
Six mois plus tard, avec ses bottes, sa veste à carreaux et sa guitare, Félix Leclerc, dit le Canadien, remporte le soir du 22 décembre 1952 triomphe à l’ABC de Paris. Il s’y produisait en première partie de Les Compagnons de la Chanson.Félix devait demeurer trois semaines dans la Ville Lumière, il chantera pendant 14 mois au cabaret de Canetti, Les Trois Baudets.
S’ensuivent des tournées en France, ailleurs en Europe et au Proche-Orient.
Son premier album contient des titres tels : « Le train du Nord », «Bozo », « Contumace », « L’hymne au printemps » et, « Moi mes souliers » qui remporte un grand prix de L’Académie Charles-Gros en 1951.Ses premiers admirateurs ont noms : Jacques Brel et Georges Brassens, à leurs débuts.
LE RETOUR AU QUÉBEC
« Au Québec, c’est la stupeur », lit-on dans le site internet La chanson du Québec : « Le paysan dont on se moquait gentiment hier a conquis le monde sans rien changer à son allure, à ses textes ou à sa langue. D’un coup, la chanson française vient de gagner ses lettres de noblesse. »Les années cinquante s’avèrent fastes, entre l’Europe et l’Anse de Vaudreuil pour Félix Leclerc :
- les pièces Théâtre de village (1951), Le hamac dans les voiles (1952), Moi mes souliers (1955), Sonnez les matines (1956), Le Fou de l’île (1958)
- spectacles au Continental, boite animée par Jacques Normand
- Le petit bonheur joué à Lausanne
- Le Rideau Vert crée Sonnez les matines (1956)
- En 1957, un deuxième album lui vaudra à nouveau un grand prix de l’Académie Charles-Cros (Attends-moi ti-gars, Abraham, Prière bohémienne…)
- Une tournée de huit mois en Europe précède un 3e album (Tirelou, L’Héritage, Tour de L’Île…)
Les années soixante
Félix Leclerc habite encore Vaudreuil à l’époque, début des années soixante, où il commence à se produire dans les boites à chansons comme la Butte à Mathieu. Où, entre parenthèses, j’ai le plaisir de l’introduire sur scène.
Durant cette décennie, entre autres événements…
- Sa pièce L’Auberge des morts subites est jouée 153 fois au Gesù et au Québec
- Un autre album voit le jour à Paris (Notre sentier, Ton visage de Jean-Pierre Ferland, MacPherson...)
- Et puis un autre en 1964 (Premier amour, La valse à Joseph…)
- On présente Le Roi viendra demain au téléthéâtre de Radio-Canada.
- Succès mitigé de la pièce Le petit bonheur à Paris
- La presse québécoise tiédit des propos au sujet de Félix et les choses s’enveniment après l’échec de Les Temples à la Comédie Canadienne (1966).
- Fâché, Félix s’exile en Suisse.
- Suite à une tournée française et un triomphe à Bobino, la poussière retombe et Félix revient donnent un spectacle à la PDA ainsi qu’au Festival d’été de Québec.
En 1970, à l’âge de 56 ans, Félix Leclerc se réinstalle au Québec. Il quitte définitivement sa demeure de Vaudreuil et bâtit lui-même sa maison dans l’Île d’Orléans. Il y demeurera jusqu’à la fin de ses jours.
L’ALOUETTE EN COLÈRE
S’étant jusque là tenu à l’écart du débat politique québécois, Félix Leclerc deviendra l’un des plus farouches partisans de l’indépendance du Québec.
En 1970, le géant se fâche. Il est indigné par les événements d’octobre `70, lors de l’imposition des mesures de guerre par le gouvernement fédéral.
Il publie en 1972 l’album L’Alouette en colère qui comprend aussi Les 100 000 façons de tuer un homme.
L’année suivante, Félix reçoit un troisième prix de l’Académie Charles-Gros.
Puis après une nième tournée en Europe, c’est « J’ai vu le loup, le renard et le lion », dans le cadre de la Superfrancofête, en compagnie de Charlebois et Vigneault.En 1975, j’ai l’honneur de lui lire l’hommage de la Société St-Jean-Baptiste, alors que nous lui attribuons le prix de la musique Calixa-Lavallée.
De cette décennie jusqu’à la mi-temps des années ’80, Félix demeure très actif. Voyons…Dompierre, Ferland, Léveillée
Pour les besoins de son album Le Tour de l’Île, Félix enregistre La Complainte du phoque en Alaska de Beau Dommage et Sors-moi donc, Albert.
Sa collaboration s’étendra à d’autres créateurs :
- Avec François Dompierre, création de Le Tour de l’Île et d’un coffret de trois disques intitulé Chansons dans la mémoire longtemps.
- Sur des musiques d’ambiance de Claude Léveillée, il enregistre La Légende du petit ours gris et Le Journal d’un chien, son tout dernier enregistrement.
- À l’instigation de Ferland, il écrit et participe à Rêves à vendre diffusé en janvier 1985.Et aussi, en vrac
- En 1975, tournée de 42 représentations en France et enregistrement de Merci la France au Théâtre Montparnasse…
- Spectacle avec Léveillée au Théâtre de l’Île d’Orléans…
- En 1976, suite à l’élection du Parti Québécois, il écrit L’An un et La Nuit du 15 novembre…
- Il reçoit le prix Denise-Pelletier pour son ensemble de son œuvre théâtrale,
- En 1978, Félix Leclerc enregistre l’album Mon Fils, qui deviendra son testament musical.- De 1980 à 1984, il vit en retrait. Ce qui ne le retiendra pas de publier des maximes, de recevoir des hommages, alors que nous le revoyons dans En Cerf-volant, le Québec.
- En 1988, année de son décès, Félix Leclerc projette de mettre sur pied une fondation qui viendrait en aide aux jeunes débutants, projet repris par sa fille Nathalie.Rappelons que Félix Leclerc s’est éteint dans son sommeil le 8 août 1988, à l’Île d’Orléans, où on a dispersé ces cendres.
LA MAISON AUX VOLETS BLEUS
Alors que s’achève notre récit, nous voici revenus dans l’Anse de Vaudreuil, à la maison, que d’aucuns veulent transformer en centre d’interprétation. Mais tout le monde n’est pas d’accord…
Les gens de la Société de sauvegarde de la mémoire de Félix-Leclerc, à Vaudreuil-Dorion, nous le rappellent :
« Félix Leclerc a vécu plus de vingt ans à Vaudreuil. (…) C’est face au lac des Deux-Montagnes qu’il trouve une maison à louer. En 1956, il s’y enracine encore davantage en achetant une fermette au 186, chemin de l’Anse. »
La maison aux volets bleus est entourée de bâtiments de ferme, dont une grande qu’il baptisera L’Auberge des morts subites. Il s’agit d’une demeure plus que centenaire.
Cette maison est un refuge, un havre de paix, un port d’attache, Félix installe à l’étage son lieu de travail. De nombreuses affiches ornent les murs. Un rituel l’amène tous les matins dans cette pièce et, à sa table de travail, il poursuit son œuvre.
Lieu de rencontre
La maison, nous renseigne encore, le site internet de la Société de sauvegarde, devient vite un lieu de rencontres.
Avec ses voisins, Louise et Yves Vien, Guy Maufette, Thérèse Cadorette, Janine Sutto et son mari Henri Deyglun, il cultive des amitiés.
Lieu de passage, la maison accueille aussi de grands artistes français : Michel Legrand, Jacques Brel, Raymond Devos, Catherine Sauvage…
D’autres, de la communauté québécoise viennent saluer ce Félix qui les inspire : Claude Gauthier, Paolo Noël, André Lejeune…
Sans compter les comédiens venus répéter dans la grande aménagée en salle de répétition.
Site du patrimoine
Cette maison rappelant la vie de Félix Leclerc au sein de la communauté vaudreuilloise, la ville la déclara Site du patrimoine en 2005 dans le cadre de la Loi sur les Biens culturels.
Petit retour en arrière, après la mort de Félix, qui à ce qu’il semble, en était toujours le propriétaire, la fermette a appartenu à différents propriétaires jusqu’en 2006, puis vendue à la Société de sauvegarde.
Celle-ci espère restaurer la maison et ses dépendances et en faire un centre d’interprétation. Au coût de un million dollars recueillis auprès des gouvernements et du public.
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